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LesChemins de la philosophie Dissertation : Peut-on soutenir que la vérité n'existe pas ?
Detout et de rien. Le désir de vérité ou l'amour de la vérité / connaissance. "Le plaisir et les agréments de la connaissance surpassent de beaucoup tous les autres plaisirs de la nature. En effet, est-ce que les plaisirs des passions ne dépassent pas ceux des sens autant que l'obtention de ce qu'on désire, c'est-à-dire la victoire
lavérité n'existe pas, au sens où il n'existe pas de vérité absolue . La raison peut toutefois découvrir des vérités lorsqu'elle vise la vérité. « La » vérité n'est donc pas une chimère, mais une idée régulatrice féconde . 1. Première partie : Nous supposons que la vérité existe. 1.1. Les raisons pour lesquelles la proposition est paradoxale.
Dissertation: Peut-on soutenir que la vérité n'existe pas ?. Recherche parmi 274 000+ dissertations Par lyloubbb • 30 Décembre 2019 • Dissertation • 962 Mots (4 Pages) • 305 Vues Page 1 sur 4 Outils pour l’expression et l’argumentation Exprimer son opinion In my opinion /According to me → a mon avis It seems to me → Il me semble
LaVérité est Vérité, il n’existe pas de compromis. La vie chrétienne exige, pour ainsi dire, le « martyre » de la fidélité quotidienne à l’Évangile, c’est-à-dire le courage de laisser le Christ grandir en nous et de le laisser orienter notre pensée et nos actions. Mais cela ne peut avoir lieu dans notre vie que si notre
Comment Pirater Un Site De Rencontre Payant. Peut-on dire à chacun sa vérité » ? Cédric Eyssette Le terme de “vérité” est parfois employé de manière large pour désigner l'authenticité d'une chose “un vrai Picasso” ou la sincérité d'une personne “une personne vraie”. Au sens strict, ce qui est vrai ou faux, ce sont des affirmations l'affirmation qu'il pleut est vraie s'il pleut, fausse s'il ne pleut plas. Définition La vérité semble pouvoir se définir comme la correspondance entre une affirmation et la réalité elle-même une affirmation est vraie, si elle est conforme à la réalité, fausse si elle n'est pas conforme à la réalité. Un exemple de débat pour comprendre les enjeux de la notion de vérité y a-t-il des vérités économiques ? cliquez sur les images pour voir les extraits vidéo Approfondissement Si la question L'économie est-elle une science ? » vous intéresse, vous pouvez lire cet article de Quentin Ruyant sur son blog de philosophie des sciences. I - Le relativisme de la vérité Première partie Définition Le relativisme de la vérité est la thèse selon laquelle la vérité n'existe pas il n'y aurait pas de vérité absolue, mais seulement une vérité relative à chaque individu à chacun sa vérité ». Nous avons déjà rencontré des formes spécifiques de relativisme Le relativisme moral Les jugements sur le bien et le mal sont relatifs il n'y a pas de vérité morale absolue Le relativisme esthétique Les jugements de valeur sur les œuvres d'art sont relatifs il n'y a pas de vérité absolue enmatière de goûts esthétiques Nous ne reviendrons pas ici sur les problèmes spécifiques que posent ces formes particulières de relativisme cf. le cours sur la philosophie morale, et le cours sur l'art. Ce qui nous intéresse ici, c'est l'examen du relativisme de la vérité, qui est un relativisme général. Peut-on soutenir, de manière générale, l'idée qu'il n'y a pas de vérité absolue, mais seulement une vérité relative à chaque individu ? A. L'argument moral Le relativisme de la vérité prétend souvent être le meilleur moyen de défendre plusieurs vertus L'humilité intellectuelle Être relativiste, c'est éviter de prétendre qu'on a raison et que les autres ont tort La tolérance Être relativiste, c'est accepter que des personnes aient des croyances différentes La non-domination Être relativiste, c'est ne pas chercher à dominer les autres en prétendant justifier un pouvoir sur les autres par la vérité de notre discours L'ouverture aux autres Être relativiste, c'est accepter de discuter avec les autres pour partager des points de vue différents B. L'argument de la subjectivité du jugement Idées principales Il n'y a pas de description neutre et objective du description est l'expression d'un engagement subjectif en faveur d'une certaine manière de penser Il n'y a pas de manière de penser objectivement meilleure que les autres II - Les limites du relativisme Deuxième partie A. Critique de l'argument moral L'argument moral ne constitue pas une bonne défense du relativisme de la vérité Croire qu'il y a des vérités n'implique pas nécessairement une forme d'arrogance on peut reconnaître la possibilité d'une erreur ou d'une compréhension partielle de la vérité. Croire qu'il y a des vérités n'implique pas nécessairement une forme d'intolérance s'il existe une preuve objective de la vérité d'une affirmation, ce ne serait pas de l'intolérance que de critiquer l'affirmation contraire ⁺, et s'il n'existe pas de preuve objective, on peut reconnaître la possibilité de penser le contraire, et respecter son adversaire, même si on a la conviction qu'il se trompe. i Croire qu'il y a des vérités n'implique pas nécessairement une volonté de dominer les autres, et ii on peut au contraire souligner que le relativisme empêche de faire appel à des savoirs critiques qui permettraient de montrer la fausseté de certains discours idéologiques que les dominants utilisent pour justifier leur pouvoir cf. le texte de Jean-Jacques Rosat diapositive suivante. Le relativisme […] garantirait, dit-on, le droit des dominés et des minorités à défendre leur propre vision du monde. Et, certes, il peut arriver qu’il leur offre temporairement une protection efficace. Mais, fondamentalement, il est contradictoire avec tout projet d’émancipation, car il dépossède les dominés des armes de la critique […]. Les dominés, en effet, ne peuvent espérer s’émanciper et retourner le rapport de force en leur faveur s’ils n’ont pas la possibilité de l’emporter sur les dominants dans l’espace des raisons celui de la connaissance du monde et de la société où la seule force est celle des analyses et des arguments. C’est ce qu’avaient compris les Lumières en nouant l’alliance de la connaissance et de la liberté. En détruisant l’espace des raisons, le relativisme dénoue cette alliance et enferme les plus faibles dans le seul espace des rapports de force où ils seront, par définition, toujours les vaincus. » Jean-Jacques Rosat, Préface à La peur du savoir de Paul Boghossian, éd. Agone, p. XXV i Croire qu'il y a des vérités n'implique pas de refuser le dialogue on peut chercher à convaincre autrui qu'on a raison, ou bien chercher à progresser ensemble vers la vérité en dépassant la compréhension partielle qu'on en a. ii C'est plutôt le relativisme qui conduit chacun à rester dans sa propre opinion, sans véritable dialogue on refuse d'envisager la possibilité qu'on se trompe et on n'écoute pas les arguments d'autrui qui pourraient nous inciter à modifier nos croyances. B. Critique de l'argument de la subjectivité du jugement Il y a des jugements clairement subjectifs les jugements qui expriment nos préférences, nos désirs, mais tous les jugements ne se réduisent pas à ce type de jugement. Même si un jugement exprime en partie un engagement subjectif en faveur d'une manière particulière de penser, on peut chercher à dégager dans ce jugement ce qu'il permet de comprendre objectivement du réel C. Deux objections majeures contre le relativisme 1/ Le relativisme conduit à des confusions importantes à propos de la notion d'opinion Si on dit que “chacun a sa vérité”, cela revient au fond à dire que “chacun a son opinion” on fait comme si la vérité et l'opinion étaient des notions équivalentes. On refuse alors de distinguer les opinions vraies et les opinions fausses, ce qui semble illégitime au moins pour certains cas dire que “2+2=5”, ou affirmer qu'il pleut alors qu'il ne pleut pas, tout cela constitue manifestement des opinions fausses. De plus, quand on exprime son opinion, on exprime un engagement envers la vérité de ce qu'on affirme. Cela n'aurait pas de sens de dire “Je pense qu'il pleut, mais ce n'est pas vrai qu'il pleut”. 2/ Le relativisme conduit à une contradiction Si on affirme que la vérité n'existe pas, cela signifie qu'on affirme que c'est vrai que la vérité n'existe pas. On présuppose donc qu'il y a au moins une vérité que la vérité n'existe pas. Par conséquent on se contredit. On affirme à la fois qu'il n'y a pas de vérité et qu'il y en a une. Autre manière de formuler cet argument défendre le relativisme, c'est affirmer la vérité du relativisme, mais le relativisme affirme qu'il n'y a pas de vérité, donc que le relativisme n'est pas une thèse vraie … Le relativisme de la vérité est auto-réfutant il se réfute lui-même.
Auteur inconnu ME 1917 p213-217 Sommaire La vérité où elle est, ce qu'elle est étude ou recherche de la vérité communication de la vérité antagonisme du monde manière d'exprimer la vérité effet légitime de la vérité ME 1917 p. 213-217 La vérité est définie, immuable, et parfaitement révélée dans les Écritures. Celles-ci sont, pour ce qui concerne l’homme, la seule source, le seul dépôt de vérité. Quant à son essence et à sa personnification vivante, la vérité ne se trouve qu’en Celui qui a dit Je suis la vérité » — et, grâces à Dieu, aussi le chemin et la vie ». Ceux qui pensent différemment n’ont pas l’ancre sur laquelle on peut compter dans la tempête. La vérité peut être l’objet d’une recherche longue, hésitante, et anxieuse, parce que la vérité qui n’est que l’expression de la pensée de Dieu, quoiqu’elle soit parfaitement révélée, n’est pas, immédiatement et nécessairement, parfaitement comprise, pas même par ceux qui sont appelés les enfants de la sagesse » et qui sont nés de Dieu ». Nous connaissons en partie et nous prophétisons en partie ». Mais la vérité elle-même, dans les Écritures, est parfaite, absolue, et immuable. Comprendre cela est un grand point… Quant à l’étude ou à la recherche de la vérité, elle doit être faite avec l’intention d’obéir, et non pas dans un but de spéculations. Si quelqu’un veut faire sa volonté, il connaîtra de la doctrine si elle est de Dieu ». Jean 717. C’est la position de disciple et non pas celle de Maître qui appartient à quiconque étudie la vérité ; et de plus, si l’étude doit être couronnée de succès, il faut qu’on recherche la vérité pour elle-même, ou plutôt pour son Auteur. Celui dont le dessein secret est de nourrir son imagination ou de satisfaire sa convoitise de science, doit être certain qu’il apprendra toujours, mais qu’il ne pourra jamais parvenir à la connaissance de la vérité… Mais celui pour le cœur duquel la vérité a de la valeur, la poursuit diligemment, et cette valeur qu’elle a pour lui, et non pas l’aride activité de son esprit, détermine le degré et la mesure des progrès qu’il fera. La communication de la vérité directement tirée de la Parole divine, ou apprise d’autres hommes, mais confirmée par cette Parole, doit être définie, et déterminée quand elle cesse de l’être, elle cesse d’être puissante, car elle cesse d’être vérité enseignée. Elle sera peut-être attrayante ou produira de l’excitation, mais elle n’édifiera pas… Dieu est celui qui communique la vérité, et il l’a donnée afin que le cœur de l’homme se soumette à Son autorité, et soit amené à la connaissance de Lui-même, de ses œuvres et de ses voies… Le Seigneur a dit je suis né pour cela, et c’est pour cela que je suis venu au monde, afin de rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité, écoute ma voix » Jean 1837. Le monde est en antagonisme direct avec le Père ; c’est pourquoi, aussi longtemps que le monde conserve en entier son empire sur mon cœur, je serai toujours peu disposé à prêter l’oreille aux communications du Père par le Fils. Je ne les contredirai pas, peut-être, je ne serai peut-être-pas incrédule, mais je doute. Je doute, ici, du sens ; là, de l’application ; ailleurs de la possibilité d’un accomplissement dans telle ou telle situation. Mais sache ceci, toi qui doutes la vérité ne sera jamais vérité pour toi ou pour ton âme, jusqu’à ce qu’elle ait été traduite en action ! La vérité fait appel à ta conscience, à tes affections, à ton devoir, avec toute l’autorité du Dieu de vérité. Elle commence par t’occuper, de perdition ou de rédemption. Elle prétend, ensuite, former tes motifs, diriger tes actions et tes pensées, animer tes espérances, avoir l’œil sur toute ta vie intérieure et extérieure. La vérité n’existe pas pour toi si tu lui refuses ton obéissance et ton cœur. On peut porter préjudice à la vérité par la manière raide dont on l’exprime ; et aussi, par une disposition d’esprit qui nous la fait maintenir plutôt comme affaire d’opinion au lieu qu’elle soit esprit et vie », comme dit le Seigneur de ses paroles. On peut ainsi lui ôter sa puissance. Des principes, séparés de la puissance vitale de la vérité, perdent leur valeur, trompent et dégénèrent bien vite en opinions ou en dogmes d’une secte. Ce n’est pas que la grâce et la vérité, lorsqu’elles s’expriment, n’affectent pas des formes définies qui sont très justement appelées des principes, mais pour que ceux-ci aient quelque valeur, pratiquement, il faut qu’ils soient animés par l’énergie de la vie intérieure. Il y a telle forme qui naît de l’énergie de la vie et se développe par elle-même, et il y a telle forme ajoutée, et qui, étant le signe de l’absence de vie, réprime la vie. L’Écriture fait mention de toutes deux Ayant la forme de la piété, mais en ayant renié la puissance » 2 Tim. 35. Supposant maintenant que la vérité ait été bien enseignée et bien reçue, quel sera son effet légitime ? L’apôtre Paul nous le dit dans le sommaire qu’il nous donne de l’effet de l’Évangile, dans la première épître aux Thessaloniciens. Il parle des chrétiens de Thessalonique, se souvenant de leur œuvre de foi, de leur travail d’amour, et de leur patience d’espérance devant notre Dieu et Père 1 Thess. 13 ; il avait dit ailleurs Or, maintenant, ces trois choses demeurent La foi, l’espérance et l’amour » 1 Cor. 1313. La révélation des vérités de la grâce céleste opère ainsi, par la puissance de Dieu sur l’âme, lorsque celle-ci se soumet à sa puissance. L’œuvre de foi » se manifeste en ce qu’elle tourne le cœur des idoles vers Dieu » avec toute l’intensité du contraste qu’il y a entre ce qui n’est que néant et vanité et une éternelle et vivante plénitude. Le travail d’amour » s’exprime dans le fait que les énergies de la vie naissent et se dépensent au service de Celui qui, dans la puissance souveraine de son amour infini et sans bornes, se fait connaître Lui-même à l’âme et, par l’amour, l’enchaîne et la mène captive. La patience d’espérance » prend pour forme définie l’attente de voir s’accomplir la promesse de Celui qui a dit Je viendrai, et je vous prendrai auprès de moi, afin que là où je suis, moi, vous, vous soyez aussi » Jean 143. L’espérance montre sa puissance en soutenant la patience qui attend du ciel le Fils de Dieu qu’il a ressuscité d’entre les morts, Jésus, qui nous délivre de la colère qui vient » 1 Thess. 110. À côté de cette parole Tes péchés te sont pardonnés », une autre parole de Christ est digne aussi de toute notre attention Si quelqu’un me sert, qu’il me suive » !
Résumé Index Plan Texte Bibliographie Notes Citation Auteur Résumé La réflexion spinoziste sur la vérité dégage deux propriétés de l’idée vraie – l’adaequatio et la convenientia – dont l’articulation exacte pose quelques difficultés d’interprétation. Le problème principal consiste à savoir si ces deux propriétés renvoient à deux théories de la vérité qui s’opposent vérité-cohérence et vérité-correspondance ou à deux aspects qui se complètent d’une façon harmonieuse dans une seule conception de la vérité. L’objectif de cet article est de présenter quelques remarques qui soutiennent la seconde option et éclairent l’originalité de la conception spinoziste de la vérité. Haut de page Entrées d’index Haut de page Texte intégral 1Dans cet article, je voudrais présenter quelques remarques sur le problème de la vérité chez Spinoza. Néanmoins, il faut d’abord préciser que sous la rubrique problème de la vérité », il se trouve en réalité un ensemble de questions distinctes bien qu’essentiellement liées entre elles. Par problème de la vérité » on doit d’abord comprendre le problème qui porte sur la détermination de la nature ou essence de la vérité. Il s’agit de répondre à la question 1 sur la signification du terme vérité ». Ensuite, il s’agit de poser les questions qui portent sur les conditions de possibilité de la vérité, c’est-à-dire de répondre aux questions suivantes 2 Etant donnée la définition de la vérité, quelles conditions générales, du point de vue de l’absolu, doivent être remplies pour qu’il y ait des idées vraies ? 3 Ensuite, quelles conditions particulières doivent être remplies pour que nous, du point de vue de l’âme humaine, ayons des idées vraies ? 4 Finalement, quelles conditions doivent être remplies pour que nous sachions que nous avons des idées vraies, c’est-à-dire pour que nous puissions reconnaître les idées vraies et les distinguer de celles qui sont fausses ? C’est le problème du critère de vérité. 2L’ordre des ces questions n’est pas fortuit. En effet, il semble bien que pour répondre aux questions 2, 3 et 4, il nous faut d’abord répondre à celle qui porte sur la nature de la vérité, puisque c’est cette réponse qui nous permettra de déterminer le sens précis à apporter aux mots vrai » et vérité » présents dans ces questions. 3Néanmoins, la liaison entre elles, surtout entre la première et la dernière, n’est pas dépourvue d’une certaine tension interne. Selon certains philosophes, par exemple Russell et Popper, nous devons distinguer soigneusement l’investigation qui porte sur la définition de la vérité de celle qui concerne le critère de vérité, et nous ne devons pas espérer que cette définition nous apporte un critère pour reconnaître la vérité d’un jugement donné. Selon eux, la première question est complètement indépendante de la dernière. D’autres, par exemple les pragmatistes et Dummet, soutiennent que toute recherche sur le concept de vérité resterait vide si elle n’était pas susceptible de nous montrer comment nous pouvons reconnaître la vérité d’un jugement donné. Pour eux, la réponse à apporter à la première question dépend de la prise en considération de l’exigence exprimée par la dernière. 1 Il [Cherbury] examine ce que c’est que la vérité ; et pour moi, je n’en ai jamais douté, me sembl ... 4Mais que la question concernant la détermination de la nature de la vérité soit considérée comme un problème », voilà qui a quelque chose de problématique ou de paradoxal en soi. En effet, si nous ne savions pas d’emblée ce qu’est la vérité, comment pourrions-nous l’apprendre ? Quelles raisons aurions-nous d’accepter une certaine définition parmi les diverses définitions possibles ? Bref, comment trouverions-nous la vraie définition de la vérité ? Ce problème a été posé par Descartes dans une lettre bien connue adressée à Mersenne le 16 octobre 1639. Descartes y affirme que la notion de vérité est si transcendantalement claire, qu’il est impossible de l’ignorer »1. Sa solution pour ce problème consiste à affirmer que nous avons une connaissance naturelle » de la notion de vérité, définie nominalement par la conformité de la pensée avec l’objet. Pour lui, donc, le problème de la vérité » renvoie essentiellement au problème qui consiste à trouver et à fonder un critère de vérité, le sens du terme vérité », quant à lui, étant tout à fait clair et naturellement donné à l’esprit. 5On peut évidemment accorder à Descartes que si nous n’avions pas une compréhension naturelle du sens de la vérité, compréhension à laquelle nous pouvons et devons faire appel pour nous guider dans notre investigation, nous resterions dans un vide conceptuel qui ne pourrait être rempli que par un choix arbitraire parmi les multiples définitions possibles. Néanmoins, on n’est pas forcé de croire que cette connaissance naturelle soit aussi transcendantalement claire qu’elle semble l’être pour Descartes, ni non plus qu’elle épuise le contenu du concept de vérité. On peut très bien soutenir que ce que nous connaissons naturellement de la vérité et que nous expliquons quid nominis, c’est-à-dire la définition nominale de la vérité, ne porte que sur la propriété ou dénomination extrinsèque de l’idée vraie et que cette définition, correspondant à un niveau encore superficiel de la réflexion sur l’idée vraie, ne fournit que le point de départ pour une recherche plus approfondie sur la nature de la vérité. 6Tout se passe comme si cette définition n’était qu’un instrument naturel premier, encore partiel et imparfait, à l’aide duquel l’âme, par un mouvement réflexif, pourrait progresser dans le sens d’un approfondissement de la compréhension de la forme de l’idée vraie. Or, cet effort réflexif, ce questionnement qui porte sur le concept même de vérité, soit pour préciser à quoi il s’applique, soit pour en dégager d’autres déterminations que celle apportée par la définition nominale, nous semble s’accorder avec la démarche effective de la pensée spinoziste. Tout au long de son œuvre, du Court Traité et du Traité de la Réforme de l’Entendement à l’Éthique, Spinoza examine de façon critique la conception de la vérité comme correspondance, afin d’expliciter non seulement ses conditions de possibilité, mais aussi et surtout, de la compléter avec une propriété ou dénomination intrinsèque qui permette, d’une part, d’expliquer que nous puissions savoir avec certitude que nous avons des idées vraies, et, d’autre part, de fournir à la perspective éthique un principe explicatif de la supériorité interne du sage sur l’ignorant. 2 Cf. chap. XV, deuxième partie. GI/78 G » renverra toujours à Spinoza Opera, éd. Carl Gebhardt, 5 ... 7En effet, la simple correspondance entre la pensée et son objet n’est pas capable d’apporter une réponse satisfaisante aux trois questions qui fournissent le fil conducteur de l’investigation spinoziste sur la vérité, et qui sont formulées de la façon suivante aussi bien dans le Court Traité2 que dans l’Éthique 3 Éthique II, Proposition XLIII, scolie. GII/124. Si une idée vraie, en tant qu’elle est dite seulement s’accorder avec ce dont elle est l’idée, se distingue d’une fausse, une idée vraie ne contient donc aucune réalité ou perfection de plus qu’une fausse puisqu’elles se distinguent seulement par une dénomination extrinsèque, et conséquemment un homme qui a des idées vraies ne l’emporte en rien sur celui qui en a seulement des fausses ? Puis d’où vient que les hommes ont des idées fausses ? Et enfin, d’où quelqu’un peut-il savoir avec certitude qu’il a des idées qui conviennent avec leurs objets ?3 8Parmi ces trois questions, la première, bien qu’étant sûrement celle où se manifeste la fin ultime qui dirige la pensée de Spinoza, ne nous concernera pas directement ici. Cela signifie que nous n’allons pas examiner les effets de l’exigence éthique sur la détermination du concept de vérité chez Spinoza. Parmi les deux autres questions, c’est surtout celle concernant la possibilité de savoir avec certitude que nous avons des idées vraies qui doit retenir notre attention. En effet, celle-ci renvoie au problème du critère de vérité et c’est elle qui, dans un rapport de tension avec la détermination préalablement donnée de la nature de la vérité, met en marche l’approfondissement de la réflexion concernant la forme de l’idée vraie. 9La réponse à ces questions repose sur l’introduction de la dénomination intrinsèque de l’idée vraie, c’est-à-dire sur la notion spinoziste d’adaequatio. C’est cette notion qui permet d’expliquer que la vérité soit norme d’elle-même et du faux, et qui exclut le recours à une marque ou à un signe extrinsèque qui serait nécessaire pour nous faire reconnaître cette vérité ; c’est elle qui fonde l’identification spinoziste entre l’idée vraie et la certitude et qui explique qu’une idée vraie ait plus de réalité qu’une fausse. 10L’investigation de Spinoza nous met ainsi devant deux aspects de l’idée vraie, l’un intrinsèque et l’autre extrinsèque. Tout le problème consiste à savoir si entre ces deux aspects il y a tension, contradiction ou complémentarité harmonieuse. Y a-t-il chez Spinoza deux théories de la vérité qui s’opposent ou deux aspects qui se complètent dans une conception consistante de la vérité ? La réponse à ces questions partage les interprètes du spinozisme. 11Certains soutiennent qu’il y a dans l’Éthique une coexistence harmonieuse entre la conception de la vérité comme correspondance et celle de la vérité comme cohérence, liée à la notion spinoziste d’adaequatio. Ainsi, R. Landim affirme 4 R. Landim, La notion de vérité dans l’Éthique de Spinoza », in Groupe de recherches spinozistes n ... Ces questions posées par la définition de la vérité trouvent dans l’Éthique de Spinoza une réponse aussi subtile qu’originale. Dans l’Éthique les deux théories de la vérité coexistent. Si la vérité est en premier lieu correspondance, c’est par une sorte de cohérence que la vérité s’impose à l’homme comme correspondance4. 12D’autres, comme F. Alquié, ont insisté sur le caractère conflictuel de cette coexistence. Il parle d’une certaine tension inhérente au concept spinoziste de la vérité », tension qui renvoie à la difficulté de concilier les trois affirmations suivantes 5 F. Alquié, Le Rationalisme de Spinoza, PUF, coll. Épiméthée, Paris, 1981, p. 212. [1] La vérité est intérieure à la pensée, et se définit, non par son rapport avec la chose, mais par une dénomination intrinsèque ; [2] la vérité est sa propre marque, son propre signe, et celui qui possède une idée vraie ne peut douter de sa vérité ; [3] la vérité, malgré les deux caractères précédents, est accord de l’idée et de la chose5. 6 Ce sont ceux, comme S. Hampshire ou H. Joachim, qui considèrent que Spinoza soutient exclusivement ... 7 Ce sont ceux, comme E. Curley ou J. Bennett, pour lesquels Spinoza adopte exclusivement la concepti ... 13D’autres encore, face à cette tension et désespérant de la résoudre, ont choisi de la supprimer en privilégiant exclusivement soit les passages de Spinoza qui vont dans le sens de deux premières affirmations, interprétées comme exprimant une certaine version de la théorie de la vérité comme cohérence6, soit les passages qui vont dans le sens de la dernière affirmation, assimilée à la théorie de la vérité comme correspondance7. 14Bien entendu, le procédé qui consiste à supprimer la tension par l’élimination d’un de ses termes n’est pas légitime ici. Il le serait si l’on pouvait montrer que ces affirmations renvoient à des moments différents de la pensée de l’auteur, c’est-à-dire si l’on pouvait dissoudre la tension dans la considération de l’évolution de la pensée de Spinoza. Mais tel n’est pas le cas puisque cette tension est présente aussi bien dans le Court Traité, que dans le Traité de la réforme de l’entendement et dans l’Éthique. Ainsi, ou bien il est possible de résoudre conceptuellement cette tension, ou bien il faut avouer qu’elle renvoie à une conception incohérente de la vérité. 8 En particulier, il n’est pas possible de développer ici l’analyse détaillée de la notion d’idée adé ... 15Dans cette étude, mon objectif est de présenter quelques remarques qui permettent de soutenir la première de ces deux options. Il me semble qu’il n’y a pas nécessairement d’exclusion mutuelle entre la théorie de la vérité comme cohérence et celle de la vérité comme correspondance, mais plutôt un rapport de complémentarité. J’essaierai de montrer que l’originalité de Spinoza consiste précisément à supprimer cette fausse opposition et à faire de l’adaequatio et de la convenientia deux aspects complémentaires du concept de vérité. L’idée vraie, pour être pleinement vraie, doit satisfaire à une double condition être adéquate cohérente et s’accorder avec son objet. Sans pouvoir examiner ici la totalité des aspects enveloppés dans cette question8, je prétends seulement indiquer quelques éléments qui, permettant d’éliminer la tension signalée par F. Alquié, rendent possible cette complémentarité et illuminent l’originalité de la réflexion spinoziste sur la nature de la vérité. Qu’il y a un rapport de complémentarité entre adaequatio et convenientia 9 Éthique I, axiome VI. 16Il faut remarquer avant tout que Spinoza ne présente pas dans l’Éthique, ni dans le Traité de la réforme de l’entendement, une définition en bonne et due forme et explicite de la vérité. Dans l’Éthique, la traditionnelle définition nominale de la vérité n’est pas présentée sous forme de définition, mais sous forme d’axiome l’idée vraie doit debet s’accorder convenire avec son idéat »9. On ne doit pas penser que la substitution de l’énoncé sous forme d’axiome à l’énoncé définitionnel soit gratuite. En effet, les définitions portent sur l’essence des choses et sur leurs affections, tandis que les axiomes concernent surtout les relations entre les choses. Ainsi, la mise en forme axiomatique de la définition nominale vise à indiquer que celle-ci ne porte que sur la relation extrinsèque de l’idée vraie à l’objet, sans nous renseigner en quoi consiste l’idée vraie prise en elle-même. 10 Je ne reconnais aucune différence entre l’idée vraie et l’idée adéquate, sinon que le mot “vraie” ... 17C’est dans l’Éthique II, définition IV, que Spinoza considère l’idée vraie par sa propriété intrinsèque, c’est-à-dire par son adéquation J’entends par idée adéquate une idée qui, en tant qu’on la considère en elle-même, sans relation à l’objet, a toutes les propriétés ou dénominations intrinsèques d’une idée vraie. Explication Je dis intrinsèques pour exclure celle qui est extrinsèque, à savoir, l’accord de l’idée avec l’objet dont elle est l’idée ». Que l’adaequatio et la convenientia soient deux propriétés distinctes et complémentaires d’une seule et même idée, c’est ce que Spinoza affirme clairement dans la lettre 60 à Tchirnhaus10. Idée adéquate » et idée vraie » sont deux dénominations distinctes pour désigner une seule et même idée, selon que nous considérons cette idée unique soit dans sa nature, abstraction faite de son rapport à l’objet, soit dans son rapport à l’objet. Voyons donc ce qui rend possible cette complémentarité. 18Je prendrai comme fil conducteur de mon analyse le § 69 du Traité de la réforme de l’entendement Quant à ce qui constitue la forme du vrai, il est certain que la pensée vraie ne se distingue pas seulement de la fausse par une dénomination extrinsèque, mais surtout par une dénomination intrinsèque. 19L’emploi de l’adverbe surtout » dans ce passage marque nettement la primauté de la dénomination intrinsèque par rapport à l’extrinsèque, mais l’affirmation de la subordination de cette dernière à la précédente n’équivaut pas à l’affirmation de son exclusion au profit de la première. Néanmoins, les exemples donnés ensuite par Spinoza semblent aller dans le sens d’une véritable exclusion. En effet, il poursuit 11 GII/26. Si un ouvrier conçoit un ouvrage avec ordre, bien que cet ouvrage n’ait jamais existé et même ne doive jamais exister, sa pensée est néanmoins vraie que l’ouvrage existe ou non, cette pensée est la même. Et au contraire, si quelqu’un dit, par exemple, que Pierre existe, sans savoir cependant que Pierre existe, sa pensée, par rapport à lui, est fausse, ou, si l’on préfère, n’est pas vraie, quoique Pierre existe effectivement. Et cette proposition Pierre existe, n’est vraie qu’en ce qui concerne celui qui sait avec certitude que Pierre existe11. 20Le deuxième exemple affirme clairement que le simple accord entre une affirmation et l’état de choses auquel elle renvoie n’est pas une condition suffisante pour qu’elle soit vraie, tandis que le premier exemple semble aller plus loin et affirmer qu’il n’est pas non plus une condition nécessaire de la vérité, puisque le plan conçu par l’ouvrier est dit vrai » indépendamment de l’existence de son objet. 12 Cf. Éthique I, Proposition VIII, scolie 2 ; Éthique II, Proposition VIII ; Éthique V, Proposition X ... 13 Selon Spinoza, le contraste entre l’existence éternelle et l’existence temporelle n’est pas un cont ... 14 Cf. les § 41, § 42, § 85, § 91 et § 99. 15 Cf. Éthique II, Propositions XXXII et XXXIV ; Proposition XLI, démonstration ; Proposition XLIII, d ... 21Néanmoins, il est possible d’interpréter le premier exemple, à la lumière de certaines thèses métaphysiques soutenues par Spinoza dans l’Éthique12, comme affirmant simplement que la vérité d’une pensée construite d’une façon ordonnée ne dépend pas de son accord avec quelque chose qui existe dans la durée, sans que cela signifie qu’elle ne s’accorde avec une essence éternelle contenue dans un attribut de Dieu. En effet, étant donné que le nécessitarisme de Spinoza entraîne que tout ce qui est concevable possède un certain type d’actualité extra-mentale, il est légitime d’affirmer qu’il n’y a pas d’idée vraie qui ne s’accorde avec un objet doué d’actualité, que cette actualité soit l’existence temporelle de la chose ou l’existence éternelle de son essence13. Toute idée vraie a donc une portée existentielle et une dénomination extrinsèque. Cette lecture permet de maintenir la présence constante de la dénomination extrinsèque de l’idée vraie indiquée au début du § 69, affirmée dans d’autres paragraphes du Traité de la réforme de l’entendement14 et dans plusieurs passages de l’Éthique15. 16 Cf. ibid., Proposition XLIII, scolie. 22Parmi les deux dénominations de l’idée vraie, c’est surtout l’intrinsèque qui constitue la forme du vrai. C’est elle, en effet, qui permet de considérer l’idée vraie comme ayant plus de réalité ou de perfection interne qu’une idée fausse, et qui permet d’affirmer qu’il y a entre l’idée vraie et la fausse la même relation qu’entre l’être et le non être16. C’est à elle que le § 70 du Traité de la réforme de l’entendement se réfère quand il affirme qu’il y a dans les idées quelque chose de réel par quoi les vraies se distinguent des fausses », ce quelque chose de réel » consistant dans la possession effective d’un savoir concernant ce qu’on affirme. Cela lie indissolublement, comme nous le verrons par la suite, le concept spinoziste de vérité au concept de savoir. Comment ce rapport de complémentarité est-il possible ? 17 Bien que la substitution de l’énoncé définitionnel par l’axiomatique ne soit pas dépourvue d’import ... 23Si la vérité de l’idée vraie était réduite à la dimension extrinsèque, il semble bien que nous serions contraints d’adopter l’interprétation réaliste de la définition nominale de la vérité, selon laquelle une idée est vraie parce qu’elle s’accorde à son Dans ce cas, c’est l’objet qui rend l’idée vraie, c’est la présence d’une réalité extérieure qui est la norme de la vérité de l’idée. On voit bien que cela est tout à fait contraire à la thèse spinoziste selon laquelle la vérité est norme d’elle même et du faux », et qu’ainsi, celle-ci ne pouvant pas être fondée sur la dénomination extrinsèque de l’idée vraie et la définition de la vérité à elle attachée, elle devra être fondée sur la dénomination intrinsèque de l’idée vraie. L’adaequatio devra fournir un aspect complémentaire à la définition de la vérité qui fonctionne aussi comme norme de la vérité. 24Si je dis aspect complémentaire », c’est pour souligner encore une fois que cela ne signifie pas qu’il faille exclure la définition nominale de la vérité. Celle-ci affirme simplement que l’idée vraie s’accorde à son objet. Elle ne précise pas en quoi consiste cet accord ni non plus quel est, parmi les termes en rapport, celui qui rend l’idée vraie. L’interprétation réaliste de cette définition va plus loin parce qu’elle affirme que c’est exclusivement à l’objet qu’il appartient la fonction de rendre l’idée vraie. On peut néanmoins maintenir cette définition tout en excluant l’interprétation réaliste. Dans ce cas, il faudra dire que l’idée vraie, étant intrinsèquement vraie adéquate, doit s’accorder avec son objet, c’est-à-dire doit avoir aussi la dénomination extrinsèque. Seule l’exclusion de l’interprétation réaliste de la définition nominale peut rendre compatible les deux aspects de l’idée vraie. 25Ces considérations permettent d’avancer dans la compréhension de l’emploi du mot debet » dans la formulation de l’axiome VI de l’Éthique I. D’après ce qui a été dit, cet axiome doit être interprété comme l’équivalent de la formule suivante 261 Si une idée est vraie intrinsèquement vraie, adéquate, alors elle s’accorde nécessairement avec son objet ». 27Et non comme l’équivalent de la formule suivante 282 Si une idée s’accorde avec son objet, alors elle est nécessairement vraie ». 18 Traité de la réforme de l’entendement, tr. A. Koyré, J. Vrin, Paris, 1984, note 69, p. 107. 29Cela veut dire que si une idée vraie s’accorde avec son objet, elle le fait, comme le dit A. Koyré, vi propria ; elle s’y accorde parce qu’elle est vraie et non inversement »18. Le mot debet » exprime le fait, pour la dénomination extrinsèque, d’être une conséquence nécessaire de la puissance intrinsèque de la pensée vraie. Cela signifie que, dans le rapport de complémentarité entre convenientia et adaequatio, il y a subordination de la première à la seconde. 30Cette lecture, qui exclut le caractère réaliste de la définition nominale, peut être renforcée par l’analyse du deuxième exemple donné dans le § 69, qui concerne l’affirmation de l’existence de Pierre. Selon ce passage, la simple rencontre fortuite entre un état de choses et l’affirmation qui le représente n’est pas une condition suffisante pour que cette affirmation puisse être qualifiée de vraie. La simple existence fortuite de l’état de choses affirmé ne rend pas l’idée vraie. Par contre, cette même affirmation, faite par celui qui sait avec certitude que Pierre existe », c’est-à-dire liée à une idée adéquate qui porte en soi la totalité des causes ou raisons de ce qu’on affirme, recevra légitimement ce prédicat. Seule une affirmation connectée au système de raisons qui la justifient peut être vraie. 19 GII/124. 31Ainsi, pour Spinoza, il n’y a de proposition vraie sur une chose que si elle consiste dans un savoir certain sur cette chose. Dans la connaissance vraie, il y a un rapport indissociable entre ce qui est affirmé et les raisons par lesquelles cela est affirmé, ce qui conduit Spinoza à soutenir, dans l’Éthique II, Proposition XLIII, scolie, qu’ avoir une idée vraie ne signifie rien, sinon connaître une chose parfaitement ou le mieux possible »19. 32 Parfaitement ou le mieux possible » désigne la forme par laquelle la chose est connue, le processus d’engendrement de la connaissance. Et dès lors que ce processus ne reste pas étranger à la vérité de l’affirmation à laquelle il conduit, mais fait partie intégrante de la signification même de sa vérité, il n’est pas possible qu’une affirmation soit vraie si elle est dépourvue de cette forme, si donc elle n’est pas la connaissance parfaite de son objet. L’indissociabilité entre l’opération rationnelle qui fonde et justifie une certaine affirmation et la vérité de cette affirmation, l’immanence du processus démonstratif à la vérité, signifie que le rejet de l’interprétation réaliste de la définition nominale s’accompagne, chez Spinoza, de l’exclusion consécutive de ce que M. Dummett a appelé de principe de connaissance », selon lequel un énoncé peut être vrai même si l’on ne peut pas connaître ce qui le rend vrai ». Spinoza soutient ainsi une certaine conception épistémique de la vérité. 20 Pour cette interprétation de M. Dummett, voir R. Landim A interpretação realista da definição n ... 33Le réalisme, selon Dummett, peut être caractérisé par la conjonction du principe de correspondance » si un énoncé est vrai il doit y avoir quelque chose en vertu de laquelle il est vrai » ; du principe de bivalence » tout énoncé est vrai ou faux d’une manière déterminée » ; et du principe de connaissance » si un énoncé est vrai, il doit être, en principe, possible de connaître qu’il est vrai ». Or, dans la mesure où les limites de la connaissance humaine ne déterminent pas les limites de toute connaissance possible, ce principe peut être interprété comme affirmant que quelque chose peut rendre vrai un énoncé sans que nous puissions l’identifier. Il peut, par conséquent, être reformulé de la façon suivante les conditions de vérité d’un énoncé peuvent être remplies indépendamment de notre capacité de savoir si elles sont ou non remplies ». Le réalisme, ainsi caractérisé, établit une nette séparation entre le fait pour un énoncé d’être vrai et les raisons qui permettent de le considérer comme tel, puisqu’il est possible qu’un énoncé soit vrai et qu’on ne puisse pas le démontrer20. Nous voyons ainsi que le rejet spinoziste de cette séparation, présent dans le § 69 du Traité de la réforme de l’entendement, s’accorde bien avec son rejet de l’interprétation réaliste de la définition nominale de la vérité. 21 Éthique II, Proposition III. 22 Ibid, Proposition VI, corollaire. 23 Cette inspiration est nettement présente dans la théorie de la définition génétique formulée dans l ... 34Il faut néanmoins souligner que l’exclusion de l’interprétation réaliste de la définition nominale de la vérité ne fait pas de Spinoza un idéaliste. D’après lui, jamais l’être des choses ne se réduit au fait pour elles d’être pensées. Même si tout ce qui existe est nécessairement l’objet d’une idée en Dieu21, ce n’est pas cela qui constitue l’être formel de l’objet, car Spinoza exclut catégoriquement l’hypothèse d’un entendement créateur22. Sa position pourrait être caractérisée comme celle d’un réaliste métaphysique qui, en vertu de son inspiration constructiviste23, refuse le réalisme épistémologique. Cela signifie que tout en acceptant l’existence indépendante d’une réalité extérieure à la pensée, Spinoza nie la fonction de cette réalité dans la production des idées ainsi que dans la détermination par soi seule de leur valeur de vérité. 24 Éthique II, Proposition XL, scolie 2. 35Le fameux exemple de la quatrième proportionnelle, utilisé par Spinoza pour illustrer aussi bien les différences entre les modes de perception du Traité de la réforme de l’entendement § 23 et 24 que les genres de connaissance de l’Éthique24, illustre bien ce lien indissociable entre ce qu’on affirme et les raisons qui prouvent ce qu’on affirme dans l’idée vraie. En effet, le même résultat peut être atteint par des procédés cognitifs qui divergent qualitativement, et cette divergence quant à la manière de parvenir au résultat permet de poser les uns et d’exclure les autres de la sphère de la vérité. 36La simple application aveugle d’une règle qu’on a apprise par ouï-dire mais dont la raison nous échappe premier mode de perception, ou qui a été trouvée par des expériences particulières non guidées par la raison, et généralisée ensuite d’une façon abusive, sans que nous puissions comprendre la validité de la règle et la nécessité du résultat obtenu second mode de perception, conduit à des affirmations gratuites et incertaines qui ne peuvent pas être qualifiées de vraies. Même si l’application de la règle nous mène au résultat correct », la simple impossibilité de rendre compte du chemin qui y conduit l’exclut de la vérité. Ces modes de perception, qui font partie du premier genre de connaissance dans l’Éthique, sont inadéquats et par conséquent non-vrais. 25 Il est important de rapprocher cette distinction intrinsèque, du point de vue de la vérité, entre s ... 37Par contre, l’application de la règle comprise à partir des propriétés communes des nombres proportionnels troisième mode de perception, second genre de connaissance, ou l’inférence directe de la quatrième proportionnelle à partir de l’intuition du rapport entre le premier et le second nombre quatrième mode de perception, troisième genre de connaissance, étant de procédés qui peuvent rendre compte du chemin qui les mène nécessairement au résultat, appartiennent à la sphère de la vérité. Ainsi, il ne suffit pas de suivre aveuglément une règle qui nous mène au résultat correct pour énoncer des propositions vraies. Il faut aussi comprendre la nécessité de la règle, cette compréhension étant la condition même pour la compréhension de la nécessité du résultat25. Comparaison avec Descartes 38Pour mieux saisir l’originalité de la pensée de Spinoza, il est intéressant de rapprocher ce qu’il affirme dans le § 69 du Traité de la réforme de l’entendement de ce que Descartes soutient dans ses Méditations Métaphysiques. 39Nous trouvons dans les Méditations deux passages qui illustrent la position de Descartes à propos du principe de connaissance ». Le premier se trouve au début de la Troisième Méditation 26 AT-VII-35 AT » renvoie aux œuvres de Descartes, éd. Charles Adam et Paul Tannery, Paris, Léopold ... Mais il y avait encore une autre chose que j’assurais, et qu’à cause de l’habitude que j’avais à la croire, je pensais apercevoir très clairement, quoique véritablement je ne l’aperçusse point, à savoir qu’il y avait des choses hors de moi, d’où procédait ces idées, et auxquelles elles étaient tout à fait semblables. Et c’était en cela que je me trompais ; ou, si peut-être je jugeais selon la vérité, ce n’était aucune connaissance que j’eusse, qui fût cause de la vérité de mon jugement si verum judicabam, id non ex vi meae percepcionis contingebat26. 40Dans ce passage Descartes admet que si ce qu’il assurait s’accordait effectivement avec la réalité, son jugement serait vrai, malgré l’absence d’une perception claire et distincte de ce qu’il affirmait. Son jugement serait vrai non par la force ex vi de sa perception, mais, pourrait-on dire, grâce à une rencontre hasardeuse avec la réalité. Son hésitation c’était en cela que je me trompais ; ou, si peut-être je jugeais selon la vérité... » ne porte pas sur la légitimité de considérer un jugement de ce type comme vrai, mais plutôt sur la possibilité de reconnaître ou déterminer cette vérité. Le jugement serait, absolument parlant, vrai, mais l’absence de clarté et de distinction l’empêcherait de connaître sa vérité. 41Spinoza, quant à lui, n’hésite pas à considérer un tel jugement, de par l’absence même d’une perception adéquate de ce qui est affirmé, comme étant hors de la sphère des jugements vrais. Et cela même si ce qu’il affirme s’accorde avec la réalité. Pour lui, un jugement dont la vérité ne dépend en rien de la puissance explicative de la pensée ne peut pas être qualifié de vrai ». Sa seule hésitation, dont j’indiquerai ensuite le sens possible, porte sur la façon de désigner ce jugement, hésitant entre les prédicats faux » et non-vrai » sa pensée...est fausse ou, si l’on préfère, n’est pas vraie, encore que Pierre existe effectivement. » 42Chez Descartes, l’absence de clarté et de distinction, c’est-à-dire du critère de vérité, empêche la reconnaissance de la vérité, mais le jugement reste, malgré cela, vrai. Il y a dissociation entre ce qui identifie et ce qui rend un jugement vrai. Chez Spinoza, l’absence d’adéquation, c’est-à-dire de la propriété intrinsèque de l’idée vraie, empêche que le jugement puisse être, au sens pleinement spinoziste, vrai, et a fortiori qu’il puisse y avoir une reconnaissance quelconque de sa vérité. 43L’autre passage de Descartes se trouve dans la Quatrième Méditation, dans le contexte d’une discussion à propos du bon usage du libre arbitre 27 AT-IX-48. Or si je m’abstiens de donner mon jugement sur une chose, lorsque je ne la conçois pas avec assez de clarté et de distinction, il est évident que j’en use fort bien, et que je ne suis point trompé ; mais si je me détermine à la nier, ou assurer, alors je ne me sers plus comme je dois de mon libre arbitre ; et si j’assure ce qui n’est pas vrai, il est évident que je me trompe ; même aussi, encore que je juge selon la vérité, cela n’arrive que par hasard, et je ne laisse pas de faillir...27 44Ici Descartes affirme clairement qu’un jugement qui s’accorderait par hasard avec la réalité ne laisserait pas d’être un jugement vrai. S’il le rapproche d’un jugement faux, il ne va pas jusqu’à le qualifier de faux ou de non-vrai, comme le fait Spinoza. Ce rapprochement vise à attirer l’attention sur le fait qu’un jugement qui par hasard se trouve être vrai renvoie, tout comme un jugement faux, à un mauvais usage du libre arbitre. Mais ce jugement ne laisse pas d’être vrai, même s’il trouve à sa racine le même mauvais usage du libre arbitre qui engendre la fausseté. Nous voyons ainsi comment chez Descartes, contrairement à ce qui se passe chez Spinoza, c’est bien la présence de l’objet qui a la fonction de rendre le jugement vrai et comment l’absence d’évidence ne le rend pas faux mais seulement douteux. Cela montre que l’interprétation réaliste de la définition nominale s’accompagne du principe de connaissance », et que l’exclusion de l’un entraîne celle de l’autre. Le refus du principe de bivalence » et le problème de la valeur de vérité de l’imagination 45En consonance avec le refus de l’interprétation réaliste du principe de correspondance et du principe de connaissance, l’hésitation de Spinoza entre les prédicats faux » et non-vrai » dans le § 69 suggère encore, au moins implicitement, une possible rupture avec le principe de bivalence, faisant basculer ainsi la dichotomie traditionnelle du vrai et du faux. En effet, dans ce paragraphe du Traité de la réforme de l’entendement, Spinoza suggère une distinction entre trois valeurs de vérité le vrai, le non-vrai et le faux. Cette tripartition entraîne une asymétrie dans les rapports entre adéquation et vérité, d’une part, et inadéquation et fausseté, d’autre part. Si toute idée adéquate est nécessairement vraie et vice-versa, cette réciprocité n’arrive point dans le rapport entre inadéquation et fausseté. Bien que toute idée fausse soit nécessairement inadéquate, toute idée inadéquate n’est pas nécessairement fausse, sans que cela signifie que ces idées soient vraies. Dans ce cas, le fait pour une idée de ne pas être vraie n’implique pas qu’elle soit fausse. La ligne de partage essentielle se fait entre l’idée adéquate et l’idée inadéquate, celle-ci pouvant être fausse ou simplement non-vraie. 28 Cf. G. H. R. Parkinson, Truth Is Its Own Standard Aspects of Spinoza’s Theory of Truth », in Sh ... 29 Éthique II, Proposition XLI, démonstration, et Proposition XXVIII. 30 Ibid., Proposition XLI. 31 Éthique II, Proposition XVII, scolie et Proposition XLIX, scolie. 32 Éthique IV, Proposition I, démonstration et scolie. 46Certains interprètes ont signalé la présence de cette distinction dans le § 69, tout en affirmant ensuite qu’il n’y en a aucune trace dans l’Éthique28. Néanmoins, je voudrais juste indiquer, pour finir, comment cette distinction entre l’idée inadéquate non-vraie et l’idée inadéquate fausse permet d’éclaircir d’une manière satisfaisante une ambiguïté présente dans les affirmations de l’Éthique concernant le rapport entre la fausseté et la connaissance imaginative, connaissance qui est constituée exclusivement par des idées qui sont toujours inadéquates et confuses29. En effet, Spinoza affirme, d’une part, que cette connaissance est l’unique cause de la fausseté30. D’autre part, il affirme que les imaginations de l’Âme, considérées en elles-mêmes, ne contiennent aucune erreur »31 ; ou encore, que la présence d’une idée vraie peut supprimer l’erreur causée par une connaissance imaginative sans supprimer ce qu’il y a de positif dans cette même connaissance32. Or, il est extrêmement significatif que dans l’Éthique Spinoza ne qualifie jamais de vraie une idée imaginative. Dans ce dernier passage, même s’il lui arrive de parler d’une positivité de l’idée imaginative qui n’est pas fausse, il ne va pas jusqu’à qualifier cette idée, dans son rapport à l’âme humaine, comme vraie, ce qu’il n’aurait pas pu faire s’il n’avait pas distingué entre l’idée inadéquate non-vraie et l’idée inadéquate fausse. 33 Pour la distinction entre l’objet directement représenté et l’objet indirectement représenté par l’ ... 34 Éthique II, Proposition XXVIII. 35 Bien entendu, ce n’est pas par l’idée inadéquate que nous pouvons savoir qu’elle s’accorde avec l’a ... 36 Cette idée est l’équivalent épistémique de la passion joyeuse. Celle-ci naît d’un accord entre des ... 47Si nous nous rappelons que les idées inadéquates de l’imagination sont les idées des affections du corps humain causées par les corps extérieurs, et que ces idées, qui indiquent directement l’état du corps humain, nous permettent aussi de percevoir indirectement la cause extérieure de cet état33, nous constaterons que l’idée inadéquate non-vraie est celle qui, tout en s’accordant, grâce au parallélisme, avec son corrélat physique, à savoir l’affection du corps, ne l’indique que très confusément. Bien qu’elle s’accorde avec l’affection, elle ne peut pas l’expliquer par ses causes. En effet, l’affection du corps est déterminée par une série infinie de causes finies. Dans la mesure où l’âme humaine n’est qu’une partie de l’entendement infini de Dieu, elle n’est pas capable de connaître la totalité infinie de cette série. Ainsi, l’idée d’affection, considérée exclusivement dans son rapport à l’âme humaine, est nécessairement comme une conséquence détachée de ses prémisses », c’est-à-dire inadéquate et confuse34. Son inadéquation irréductible est suffisante pour l’exclure de la vérité, tandis que son accord fortuit », c’est-à-dire non justifié par l’idée35, avec son corrélat physique, sans être suffisant pour la déterminer comme vraie, suffit pour l’exclure de la fausseté36. L’idée inadéquate fausse, pour sa part, est l’idée d’affection qui, outre son inadéquation et confusion, ne s’accorde pas à l’objet indirect auquel elle renvoie le corps extérieur qui est cause de l’affection. Si Spinoza soutenait exclusivement une théorie de la vérité comme correspondance, il devrait désigner le premier aspect des idées imaginatives comme vrai, ce qu’il ne fait pas. S’il soutenait exclusivement une certaine conception de la vérité comme cohérence, l’inadéquation coïnciderait avec la fausseté, et il ne pourrait pas se référer à la positivité des idées inadéquates de l’imagination, ce qu’il fait pourtant. Mais, si la vérité naît de la conjonction entre adéquation et correspondance, conjonction rendue possible par l’exclusion de l’interprétation réaliste de la définition nominale de la vérité, il est possible de considérer comme fausse l’idée inadéquate qui ne s’accorde pas avec son objet indirect, et simplement comme non-vraie celle qui s’accorde avec son objet direct. 48Ainsi, nous pouvons conclure que c’est l’exclusion de l’interprétation réaliste de la définition nominale de la vérité et, d’une manière plus générale, la tendance à refuser les principes du réalisme épistémologique, qui permet à la pensée spinoziste de dissoudre la tension signalée par F. Alquié et de rendre compatible les deux propriétés de l’idée vraie. Il reste toutefois que rendre compatibles ces deux propriétés n’est pas encore montrer la nécessité de leur liaison. Pour expliciter comment et pourquoi la convenientia est une propriété nécessairement liée à l’adaequatio, il faudrait examiner la doctrine du parallélisme et la fonction exercée par la substance absolue comme fondement de la complémentarité entre les deux aspects de la vérité. Cette tâche, néanmoins, dépasse largement les objectifs et limites de cet article. Landim, R., A interpretação realista da definição nominal da verdade », Manuscrito, volume VI, n° 2, abril 1983. Haut de page Bibliographie Alquié, F., Le Rationalisme de Spinoza, PUF, coll. Épiméthée, Paris, 1981. Curley, E., Spinoza’s Metaphysics An Essay in interpretation, Harvard University Press, Cambridge, Mass., 1969. Curley, E., Spinoza on Truth », Australasian Journal of Philosophy, vol. 72, n° 1, March 1994. Descartes, R., Œuvres Philosophiques, éd. F. Alquié, 3 tomes, Garnier, Paris, 1973. 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Ainsi on peut bien expliquer quid nominis à ceux qui n’entendent pas la langue, et leur dire que ce mot vérité, en sa propre signification, dénote la conformité de la pensée avec l’objet, mais lorsqu’on l’attribue aux choses qui sont hors de la pensée, il signifie seulement que ces choses peuvent servir d’objets à des pensées véritables, soit aux nôtres, soit à celles de Dieu; mais on ne peut donner aucune définition de logique qui aide à connaître sa nature » R. Descartes, Œuvres Philosophiques, éd. F. Alquié, Garnier, Paris, 1973, t. II, p. 144. 2 Cf. chap. XV, deuxième partie. GI/78 G » renverra toujours à Spinoza Opera, éd. Carl Gebhardt, 5 vol., Heidelberg, Carl Winters, 1924. 3 Éthique II, Proposition XLIII, scolie. GII/124. 4 R. Landim, La notion de vérité dans l’Éthique de Spinoza », in Groupe de recherches spinozistes n° 2, Paris, 1989, p. 123. Il faut remarquer que Landim semble distinguer dans son article entre ce qui constitue proprement la vérité la correspondance et ce qui nous permet de la reconnaître la cohérence, puisqu’il affirme que la cohérence est ce par quoi la vérité s’impose à l’homme comme correspondance. Bref, au lieu d’une coexistence entre deux théories de la vérité, il s’agit plutôt d’une distinction entre la définition et le critère de vérité. Or, si l’on pose que la correspondance épuise la définition de la vérité, étant donnée l’impossibilité de comparer l’idée avec son objet pour vérifier la satisfaction de cet accord, il faudra chercher une propriété intrinsèque à la pensée qui puisse légitimement l’attester. Dans ce cas, néanmoins, cette propriété sera distincte de la propriété d’être vraie et il y aura dissociation entre ce qui rend et ce qui identifie une idée vraie. Nous sommes ainsi ramenés à la position cartésienne du problème de la vérité. La définition de la vérité étant transcendentalement claire », le problème consiste à trouver un critère ou signe de la vérité et à prouver sa validité. Par contre, si, comme le fait Spinoza, la propriété intrinsèque de la pensée vraie est posée comme faisant partie de la définition même de la vérité, c’est-à-dire s’il n’y a pas de vérité sans justification rationnelle seule l’idée adéquate qui porte en elle la complétude de ses causes ou raisons peut être vraie, alors on peut dire que cette propriété non seulement permet la reconnaissance de la vérité mais aussi qu’elle appartient à la nature de l’idée vraie raison pour laquelle celle-ci n’a pas besoin d’un signe extrinsèque pour être reconnue. C’est pour cette raison qu’au lieu de parler de coexistence entre deux théories de la vérité, je parlerai de complémentarité entre l’adaequatio cohérence et la convenientia correspondance dans la constitution du concept spinoziste de vérité. 5 F. Alquié, Le Rationalisme de Spinoza, PUF, coll. Épiméthée, Paris, 1981, p. 212. 6 Ce sont ceux, comme S. Hampshire ou H. Joachim, qui considèrent que Spinoza soutient exclusivement la conception de la vérité comme cohérence. 7 Ce sont ceux, comme E. Curley ou J. Bennett, pour lesquels Spinoza adopte exclusivement la conception de la vérité comme correspondance. Cette position, adoptée par Curley dans son livre Spinoza’s Metaphysics p. 56, p. 122‑126, a été revue dans son article Spinoza on Truth », in Australasian Journal of Philosophy, vol. 72, no 1, March 1994. Dans cet article, il soutient l’existence dans la pensée de Spinoza de tendances en conflit » entre la théorie de la vérité comme correspondance et une certaine version de la théorie de la vérité comme cohérence. 8 En particulier, il n’est pas possible de développer ici l’analyse détaillée de la notion d’idée adéquate élaborée par Spinoza dans le Traité de la réforme de l’entendement et dans l’Éthique, ni de justifier l’interprétation adoptée de cette notion comme renvoyant à une affirmation connectée au système de raisons qui la prouvent et, par là, à une certaine version de la théorie de la vérité comme cohérence. Pour ces analyses et cette justification je renvoie au deuxième chapitre de mon livre Verdade e Certeza em Espinosa Ed. L & PM, Porto Alegre, 1999. 9 Éthique I, axiome VI. 10 Je ne reconnais aucune différence entre l’idée vraie et l’idée adéquate, sinon que le mot “vraie” se rapporte seulement à l’accord de l’idée avec son objet, tandis que le mot “adéquate” se rapporte à la nature de l’idée même » GIV/270. 11 GII/26. 12 Cf. Éthique I, Proposition VIII, scolie 2 ; Éthique II, Proposition VIII ; Éthique V, Proposition XXIX, scolie. 13 Selon Spinoza, le contraste entre l’existence éternelle et l’existence temporelle n’est pas un contraste entre l’existence possible et l’existence actuelle, mais entre deux types d’existence actuelle. L’actualité éternelle de l’essence d’un mode fini qui n’existe pas dans le temps n’est que la propriété actuelle qui appartient à l’attribut divin de produire nécessairement ce mode quand les conditions sont remplies. Cette propriété est une combinaison particulière des lois de la nature. 14 Cf. les § 41, § 42, § 85, § 91 et § 99. 15 Cf. Éthique II, Propositions XXXII et XXXIV ; Proposition XLI, démonstration ; Proposition XLIII, démonstration. 16 Cf. ibid., Proposition XLIII, scolie. 17 Bien que la substitution de l’énoncé définitionnel par l’axiomatique ne soit pas dépourvue d’importance, elle ne signifie pas la suppression de la correspondance comme l’un des éléments constitutifs de la conception spinoziste de la vérité. Pour cette raison, et pour faciliter l’exposition, j’ai pris la liberté de maintenir la désignation traditionnelle de définition nominale pour renvoyer à cet élément. 18 Traité de la réforme de l’entendement, tr. A. Koyré, J. Vrin, Paris, 1984, note 69, p. 107. 19 GII/124. 20 Pour cette interprétation de M. Dummett, voir R. Landim A interpretação realista da definição nominal da verdade », Manuscrito, n° 2, avril 1983 ; et Significado e verdade », Síntese, n° 32, décembre 1984. 21 Éthique II, Proposition III. 22 Ibid, Proposition VI, corollaire. 23 Cette inspiration est nettement présente dans la théorie de la définition génétique formulée dans le Traité de la réforme de l’entendement. 24 Éthique II, Proposition XL, scolie 2. 25 Il est important de rapprocher cette distinction intrinsèque, du point de vue de la vérité, entre suivre une règle en connaissant ou en ignorant sa nécessité, de ce que Spinoza soutient à propos de la distinction intrinsèque, du point de vue éthique, entre la conduite du sage et celle de l’ignorant par rapport aux principes éthiques. Le sage et l’ignorant peuvent avoir une même conduite, accomplir une même action d’un point de vue extérieur tout en étant radicalement distincts du point de vue de la détermination intérieure. Ainsi, l’un interprète une règle de vie comme une loi morale et est déterminé à l’obéir par la peur du châtiment et l’espoir d’une récompense ; l’autre est au-dessus de la loi, c’est-à-dire qu’il est déterminé à suivre cette règle de vie par la compréhension de la nécessité par laquelle elle est liée à ses effets immanents, et par la compréhension de son utilité comme moyen pour parvenir à la liberté et au bonheur voir lettre XIX à Blyenbergh et Éthique IV, Propositions LIX et LXIII. Le premier est esclave des passions tristes engendrées par sa connaissance inadéquate, l’autre est un homme libre qui agit déterminé par sa connaissance adéquate et par les affects actifs qui en découlent joie et amour intellectuel. De même qu’il ne suffit pas de parvenir à une conclusion correcte en suivant une règle dont on ignore la nécessité pour être dans la sphère de la vérité, de même il ne suffit pas de conformer notre conduite à une loi dont on ignore la nécessité et l’utilité pour être dans la sphère de l’activité éthique et de la liberté. La simple conformité, à l’objet ou à la règle, détachée des raisons qui la justifient, est également insuffisante dans les deux cas. Ce rapprochement indique – sans que nous puissions l’approfondir ici – l’extrême importance qui sera accordée à la propriété intrinsèque de l’idée vraie adaequatio pour fonder la supériorité éthique du sage face à l’ignorant. 26 AT-VII-35 AT » renvoie aux œuvres de Descartes, éd. Charles Adam et Paul Tannery, Paris, Léopold Cerf, 1897‑1909 ; réédition Vrin-CNRS, 11 vol., 1964‑1974. 27 AT-IX-48. 28 Cf. G. H. R. Parkinson, Truth Is Its Own Standard Aspects of Spinoza’s Theory of Truth », in Shahan and Biro eds., Spinoza New Perspectives, University of Oklahoma Press, 1978, p. 44, et M. Della Rocca, Representation and the Mind-Body Problem in Spinoza, Oxford University Press, 1996, p. 109. 29 Éthique II, Proposition XLI, démonstration, et Proposition XXVIII. 30 Ibid., Proposition XLI. 31 Éthique II, Proposition XVII, scolie et Proposition XLIX, scolie. 32 Éthique IV, Proposition I, démonstration et scolie. 33 Pour la distinction entre l’objet directement représenté et l’objet indirectement représenté par l’idée d’affection, voir Éthique II, Proposition XVI, et ses deux corollaires. 34 Éthique II, Proposition XXVIII. 35 Bien entendu, ce n’est pas par l’idée inadéquate que nous pouvons savoir qu’elle s’accorde avec l’affection, c’est-à-dire qu’elle indique effectivement la manière dont nous sommes affectés par les choses extérieures, mais par notre connaissance adéquate de l’origine et de la nature de la connaissance imaginative. 36 Cette idée est l’équivalent épistémique de la passion joyeuse. Celle-ci naît d’un accord entre des individus qui se rencontrent, cet accord entre leurs natures étant cause de joie, c’est-à-dire d’une augmentation positive de puissance. Néanmoins, cet accord et cette positivité ne sont pas suffisants pour caractériser ces individus comme des individus actifs, de même que la positivité de l’idée inadéquate et son accord fortuit » avec l’affection du corps ne sont pas suffisants pour la caractériser comme vraie. Haut de page Pour citer cet article Référence papier Marcos André GLEIZER, Remarques sur le problème de la vérité chez Spinoza », Philonsorbonne, 5 2011, 119-135. Référence électronique Marcos André GLEIZER, Remarques sur le problème de la vérité chez Spinoza », Philonsorbonne [En ligne], 5 2011, mis en ligne le 03 février 2013, consulté le 28 août 2022. URL ; DOI de page Droits d’auteur Tous droits réservésHaut de page
Question Un fait généralement admis de nos jours est que tout est relatif, une question d’opinion personnelle, qu’il n’y a pas de vérité ou de fait indépendant de la perception personnelle. Comment réagir intelligemment à cette croyance ? Sommes-nous tous tellement personnels que ce que je vois, ce que vous voyez est la seule vérité ? Que votre opinion et la mienne sont les seuls faits à notre disposition ? C’est ce qu’implique la question ; que tout est relatif ; la bonté est relative, le mal est relatif, l’amour est relatif. Si tout est relatif c’est-à-dire que ce n’est pas la vérité entière et complète alors nos actes, nos affections, nos rapports personnels sont relatifs, ils peuvent se terminer à tout moment si nous le désirons, dès qu’ils ne nous satisfont pas. Y a-t-il une vérité en dehors de la croyance et de l’opinion personnelles ? La vérité existe-t-elle ? Les Grecs, les Hindous et les bouddhistes ont posé cette question dans l’antiquité. C’est un des faits singuliers des religions orientales qu’on y ait encouragé le doute - douter, mettre en question - alors que dans celles d’Occident, il n’est guère admis et s’appelle hérésie. On doit découvrir soi-même, en dehors de ses opinions personnelles, de ses perceptions, de ses expériences, qui sont toujours relatives, s’il existe une perception, une vision qui corresponde à la vérité absolue, non relative. Comment le savoir ? Si on dit que les opinions personnelles et les perceptions sont relatives, alors la vérité absolue n’existe pas, tout est relatif. Par voie de conséquence, notre conduite, nos manières. notre mode de vie sont relatifs, fortuits, incomplets, non pas entiers mais fragmentaires. Comment découvrir s’il existe une vérité absolue, complète, qui ne s’altère jamais dans le climat des opinions personnelles ? Comment l’esprit, l’intellect, la pensée vont-ils procéder ? On enquête sur quelque chose qui exige énormément de recherches, de l’action dans la vie quotidienne, la mise de côté de ce qui est faux - c’est ]a seule façon de procéder. Si on a une illusion, un fantasme, une image, un concept romanesque de la vérité ou de l’amour, c’est là la barrière même qui empêche d’avancer. Peut-on honnêtement mener une enquête sur ce qu’est une illusion ? Comment se manifeste-t-elle ? Où prend-elle racine ? Ce]a ne signifie-t-il pas qu’on joue avec quelque chose qui n’est pas réel ? La réalité est ce qui a lieu, qu’on appelle cela bon, mauvais ou indifférent ; c’est ce qui se passe réellement. Quand on est incapable d’affronter cela en soi, on se crée des illusions pour s’en évader. Si on ne veut pas faire face à ce qui se passe réellement, ou bien qu’on a peur de le faire, cet acte même de l’éviter crée l’illusion, un fantasme, un mouvement romanesque, loin de ce qui est. Ce mot illusion » implique l’éloignement de ce qui est. Peut-on éviter ce mouvement, cette évasion de la réalité ? Qu’est-ce que le réel ? C’est ce qui a lieu, y compris les réactions, les idées, les croyances et les opinions que l’on a. Leur faire face, c’est ne pas créer d’illusion. Il ne peut y avoir illusion que s’il y a mouvement d’éloignement du fait, de ce qui a lieu, de ce qui est réellement. En comprenant ce qui est, on ne juge pas par opinion personnelle, mais par observation réelle. On ne peut observer ce qui se passe réellement si la croyance ou le conditionnement qu’on peut avoir pèsent sur l’observation. Dans ce cas, il n’y a pas de compréhension de ce qui est. Si on pouvait regarder ce qui se passe réellement, on pourrait éviter complètement toute forme d’illusion. Peut-on le faire ? Peut-on réellement observer sa dépendance ? - que ce soit d’une personne, d’une croyance, d’un idéal ou d’une expérience particulièrement stimulante ? Cette dépendance crée inévitablement l’illusion. Ainsi, un esprit qui ne crée plus d’illusion, qui n’émet pas d’hypothèses, qui n’a pas d’hallucinations, qui ne veut pas s’engager dans une expérience de ce qu’on appelle la vérité a mis de l’ordre chez lui. Il est en ordre. Les illusions, les leurres, les hallucinations ne provoquent plus de confusion ; l’esprit a perdu sa capacité de créer des illusions. Alors, qu’est-ce que la vérité ? Les astrophysiciens, les scientifiques utilisent la pensée pour faire de la recherche sur le monde matériel qui les entoure, ils vont au-delà de la physique, ils la dépassent, mais en avançant toujours vers l’extérieur. Si l’on commence toutefois par se diriger vers l’intérieur, on s’aperçoit que le moi » est aussi de la matière. La pensée est également de la matière. Si on peut se mouvoir vers l’intérieur en passant d’un fait à l’autre, alors on commence à découvrir ce qui est au-delà de la matière. Donc, la vérité absolue existe, à condition d’aller jusqu’au bout".Question et réponses, Editions du Rocher.
La vérité moderne se présente, de façon apparemment paradoxale, comme la vérité absolue de l’antithèse de la vérité il n’y a pas de vérité mais des opinions. Et dans une société où il n’y a plus de vérité, le pouvoir appartient à ceux qui savent exprimer leur opinion et qui ont les moyens de le faire savoir. Qu’est-ce que la vérité ? » Il semble que, après tant de siècles, l’interrogation sarcastique de Pilate devant le Christ ait retrouvé une virulence nouvelle. Combien de fois, en effet, au hasard de conservations de déjeuner ou de fins de soirée, n’avons-nous pas suscité les réactions irritées ou ironiques de notre entourage lorsque nous affirmions que la vérité est ? Tout compte fait, ces réactions s’en prennent moins à la figure que nous donnons à la vérité — le Christ — qu’à l’idée même d’une vérité absolue, valant en soi et pour soi, comme disent les philosophes. Nous connaissons bien la nature des objections que l’on nous oppose croire en la vérité est le premier pas vers le fanatisme et l’exclusion en nous amenant à rejeter tout ce qui n’est pas notre vérité ; il ne s’agit que d’une illusion pernicieuse de la conscience, voulant se persuader de la supériorité de notre opinion particulière sur celle des autres ; d’ailleurs, surtout en matière de religion, il n’y a que des vérités partielles et, au fond, chaque religion a sa parcelle de vérité…La vérité de l’opinionCes réactions sont très révélatrices de l’air du temps. C’est peu dire, en effet, que, à notre époque, la vérité, ce concept jadis central de la métaphysique occidentale, passe un mauvais quart d’heure. Suspectée d’avoir sa part de responsabilité dans les grands massacres du passé, ceux du XXe siècle en particulier, jugée en contradiction avec le principe des sociétés démocratiques modernes, qui suppose le désaccord et la diversité, elle est systématiquement sommée de s’effacer au profit d’une notion, jugée plus pacifique et plus en accord avec notre modernité l’opinion. Aux terribles croyances absolutistes de jadis en des vérités absolues, il faudrait substituer de simples opinions toujours particulières et relatives, valables dans certaines circonstances et pour certains seulement, et qui présenteraient l’avantage d’être, dans leur essence, toutes équivalentes en raison même de leur relativité qui interdit à une opinion d’être supérieure aux autres. L’opinion, c’est au fond la vérité émasculée et privatisée, chacun ayant, dans une société d’individus autonomes, son opinion, respectable tant qu’elle demeure une se loge dans le relatifLes théologiens et philosophes chrétiens, lorsqu’ils ne rendent pas les armes devant ce triomphe de l’opinion, au nom de la modernité ou des bons sentiments, ont pour habitude d’accuser notre société de relativisme », au sens où celle-ci mettrait tout sur le même plan, refusant, par principe, de distinguer ce qui est vrai et ce qui est faux. Cette critique est, évidemment, fondée, mais il est à craindre qu’elle n’aille pas suffisamment au fond des choses. Car, après tout, ceux qui font l’idéologie dominante dans notre société ne rejettent pas ce qualificatif de relativisme », y voyant, pour les raisons mentionnées plus haut, une preuve de modernité et de maturité démocratique. On s’oriente alors vers un débat bien ordonné, et qui au fond, ne dérange personne et ne change rien à rien, entre conservateurs » qui regrettent le bon vieux temps de la vérité et progressistes » pour lesquels le triomphe de l’opinion sur la vérité est consubstantiel à notre aussi Parents 1 et 2 les leçons d’une tentative de neutralisationPour sortir de ce schéma convenu, il faut aller au-delà de l’accusation de relativisme » et convenir que celle-ci ne rend pas justice au statut de la vérité dans notre monde. Car celui-ci n’en a pas fini avec la vérité parce qu’il condamne l’usage de ce terme et en proscrit, officiellement, le contenu. Au contraire, on peut dire que, d’une certaine manière, la vérité est partout dans notre monde, mais il s’agit d’un certain style » de vérité. Ce style moderne de la vérité consiste à identifier la vérité avec l’absence de vérité et le triomphe corrélatif de l’opinion. La vérité moderne se présente, de façon apparemment paradoxale, comme l’antithèse de la vérité, en nous répétant constamment qu’il n’y a pas de vérité mais des opinions. L’absolu, de nos jours, se loge dans le relatif et le culte du glaçante orthodoxieVoilà pourquoi, loin d’être un monde de perte de repères et de dissolution des normes, notre société est rigoureusement le contraire un monde d’une glaçante orthodoxie, où abondent les commandements et les normes à respecter si l’on ne veut pas s’exclure. Certes, on ne nous demande pas d’adhérer à une religion ou à une idéologie formalisée. Mais, en permanence, nous sommes sommés de donner des gages en faisant du relatif et de l’opinion la seule possibilité d’expression, en nous interdisant toute conviction absolue, sauf celle en faveur du relatif, et en nous punissant lorsque, malgré la foultitude des injonctions environnantes, nous persistons à croire qu’une opinion n’est pas seulement une opinion mais qu’elle est vraie. Ce style moderne de la vérité, consistant à empêcher celle-ci de s’exprimer ouvertement, en la contraignant à se dissimuler derrière le relatif, engendre le climat spirituel singulier de notre époque, mélange de proclamations emphatiques sur la liberté sans limites dont nous jouissons théoriquement et de contrôle sournois pour veiller à ce que nous ne sortions jamais du chemin qui nous est assigné, celui de l’opinion et du relatif. Car, à la différence de ses prédécesseurs, la vérité moderne est consubstantiellement hypocrite elle s’échine, en permanence, à dire qu’elle n’est pas vérité ; l’omnipotence de son pouvoir sur nos vies suppose qu’elle avance pouvoir de ceux qui savent »J’ai employé le terme de pouvoir ». En effet, la vérité, dans nos sociétés, n’est plus une affirmation explicite. Elle est plutôt un processus souterrain, un pouvoir de contrôle anonyme qui s’exerce, afin que chacun joue le jeu et se borne à n’exprimer que des opinions. Ce pouvoir n’est pas neutre une société où l’absolu n’a plus droit de cité, sauf pour dire qu’il n’y a pas d’absolu, est aussi une société qui se garantit contre toute parole radicalement autre, interdisant ainsi toute critique radicale de son système de valeurs ; une société où règne l’opinion fait toujours prévaloir, dans les faits, l’opinion de ceux qui savent » comprendre ceux qui savent exprimer leur opinion et qui ont les moyens de le faire savoir » sur l’opinion des petits et des pourquoi une critique chrétienne de l’ordre actuel qui pèse sur les consciences ne peut se limiter à déplorer la perte des valeurs. Il lui faut dénoncer, sans relâche, le vrai visage de notre monde, la tyrannie du relatif, et affirmer sans crainte le droit imprescriptible de la vérité à ne pas être une opinion, mais un absolu qui vaut pour hier, aujourd’hui et demain, pour ici comme pour là-bas, pour toi comme pour aussi Gilets jaunes, malaise social… Le débat à l’œuvre dans les diocèses
peut on soutenir que la verité n existe pas